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Reportage: J. Chessex "Un Juif pour l’exemple"

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Jacques Chessex « Un Juif pour l’exemple »

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« Aimons-nous les uns les autres », Alain Gilliéron, Fondation de l’Estrée

Mais est-ce si simple ? L’amour pour lutter contre l’antisémitisme et répondre à l’incompréhensible. Le 23 février une table ronde était organisée à l’Estrée à l’occasion de la sortie du roman de Jacques Chessex « Un Juif pour l’exemple ».

Dans la salle l’émotion est palpable. «L’on peut voir de ce grand nombre de personnes une certaine preuve. Cette preuve nous a réunis», souligne Jacques Chessex. Il nous emmène alors dans ce travail de mémoire. Quatre extraits de son ouvrage nous plongent au cœur du drame. « Une histoire immonde dont j’ai honte d’en écrire le moindre mot », avoue le romancier. Jacques Chessex songe avec effroi à cette sentence de Vladimir Jankélévitch : « La responsabilité inouïe qui est la nôtre d’avoir une âme qui nous survit dans l’éternité».

Payerne, un bourg dont la population se trouve au centre de la folie meurtrière de quatre individus. Nous sommes en 1942, la ville compte 10% de chômeurs. Un terreau favorable pour susciter l’animosité contre les nantis, les juifs. Le romancier avait huit ans lorsque Arthur Bloch, le juif, le suisse aussi, son père avait été naturalisé en 1872, est victime de l’abominable crime. L’écrivain était assis à l’école à côté de la fille de Fernand Ischi l’un des bourreaux. Aujourd’hui il nous révèle ses cauchemars. Une tombe gravée dans le petit cimetière israélite de Berne où l’on peut lire « Gott weiss warum (Dieu sait pourquoi) ». Testament sur lequel l’écrivain se penche et raconte l’imprescriptible en adoptant le point de vue de la victime dans un sublime roman.
Les criminels ont été condamnés à de lourdes peines de prison sauf un, le pasteur Lugrin qui réussit à s’enfuir avec la complicité des services diplomatiques du Reich.

Pour fermer la blessure, les habitants de Payerne ont la possibilité d’offrir à Arthur Bloch la place qu’il n’aurait jamais dû quitter, celle d’un être humain parmi ses semblables. «L’histoire ne peut dormir en paix sans réparation. Il faut en parler», ajoute Antoine Reymond, membre permanent du Conseil Synodal de l’EERV.

Et pour l’avenir ? Selon Marcel Cohen Dumani, chargé de relation de la communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud, l’antisémitisme refait surface, le danger est réel : «Une nouvelle forme d’antisémitisme s’est développée à la fin du XXe siècle et début du XXIe siècle. Ce qui se prétend n’être qu’une critique d’Israël serait déjà une résurgence des attaques contre les Juifs». L’amalgame ouvre la brèche et l’on s’aperçoit que Jacques Chessex dans « Un Juif pour l’exemple » donne l’occasion de se souvenir : « Par l’injure, le mépris, la chambre à gaz, la croix gammée, la désolation des collines d’Auschwitz et de Payerne, la honte nazie à Treblinka et dans les bourgs porcins de la Broye. Tout est plaie. Tout est Golgotha. Et la rédemption est si loin ».

L’espoir, pour Jean-Robert Allaz, vicaire épiscopal de l’Eglise Catholique de Lausanne, réside dans notre devoir de mémoire. Comme catholique, il est facile de se rappeler, de ces prêtres qui ont su cacher des enfants juifs au moment des rafles. Les protestants ont leur théologien allemand, D. Bonhoeffer, mort d’avoir participé à un complot contre Hitler. Marcel Cohen Dumani préconise la prévention. « Il faut expliquer aux jeunes enfants l’histoire et ses ruptures, les désaccords, les jeux de pouvoir et montrer jusqu’où cela peut aller».

Histoire ancienne ? Une voix ne se tait pas dans le songe du vieil homme-enfant.

La soirée était inscrite dans le cycle «paroles en …marges », elle était organisée par le Service Solidarité de l’EERV dans la Haute-Broye et la Fondation de l’Estrée.

Dany Schaer

Paru dans le Journal de Moudon et l’Echo du Gros-de-Vaud, février 2009

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Dany Schaer - Journaliste-photographe

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